Le temps

(limité) de militer.

Zoyanne Côté

Lâcher l’école pour militer


en 2019 genre le moment où j’essayais de faire fitter trente-six heures dans une journée parce que je pensais que mon avenir dépendait de mes études pis finalement je me suis rendu compte que si je voulais un avenir c’était pas derrière un bureau à l’école que je devais être c’était dans la rue à crier pis à essayer de sauver le p’tit peu qu’il reste genre c’était beaucoup trop absurde de passer des heures à identifier les parties du système respiratoire humain à la bibliothèque ou d’essayer d’expliquer une réaction chimique dans un laboratoire du pavillon des biotechnologies du cégep de saint-hyacinthe genre j’aime vraiment pas saint-hyacinthe mais au final c’était peut-être plus doux que le burn-out qui m’attendait mais là-bas j’aurais tellement appris moins qu’ici loin des champs dans la rue sauf que parfois je me dis que d’avoir pitché cette vie là par la fenêtre c’était clairement nécessaire mais tellement difficile j’aimais ça respirer ou pleurer juste parce que je comprenais pas les notions de chimie organique au lieu de pleurer parce que je reçois trop de menaces de mort ou parce que ma famille comprend pas l’urgence ou parce qu’on se fait ignorer ou parce que des gens meurent pis que c’est pas assez ça sera jamais assez on doit juste aller plus vite plus loin plus toute mais genre juste fuck toute fuck toute toute toute sauf que cette rage là ça paye pas ton loyer ton épicerie ta vie tu dois trouver d’autres façons et ça recommence but there’s no way back il faut juste essayer de continuer essayer de survivre essayer de respirer essayer de voir le beau essayer n’importe quoi mais surtout pas les laisser gagner.