Le temps

(limité) de militer.

Sandrine Giérula

Quand j’ai lu votre lettre ouverte, j’ai eu un sentiment de soulagement instantané.


Je ne suis pas seule.


Depuis les dernières semaines, voire la dernière année, je vis de l’épuisement militant. Épuisement causé par des années d’implication avec des horaires surchargés, mais également un épuisement du capitalisme, de cette routine inhumaine : travail et étude à temps plein pour échapper à la précarité, toujours en train de courir, essoufflée, d’une semaine à l’autre, pour tenter de vivre plus que de simplement survivre. Quoi, on est déjà à la fin novembre ? J’ai oublié de militer pendant la COP27, bonjour l’écoanxiété.


J’étudie en sciences de l’environnement. Je suis censée terminer mon baccalauréat l’année prochaine, mais je n’en vois pas l’utilité. Étudier la crise climatique, c’est limite ironique. C’est retarder des actions concrètes qui peuvent être faites maintenant pour atténuer les dégâts climatiques et sauver des vies. D’autant plus que ce bout de papier bureaucratique qui va me donner de la crédibilité scientifique, ben elle va se faire ignorer par nos dirigeants.


Ça ne te prend pas des études en environnement pour remarquer que des bourgeons apparaissent en automne et que les dérèglements climatiques bousculent déjà nos écosystèmes.

Ça ne te prend pas des études en sciences politiques pour comprendre que des COPs commanditées par Coca-Cola et tenues en Égypte, aux Émirats arabes unis et en Australie, c’est de la manipulation faite par les compagnies pétrolières pour maintenir le statu quo.

Ça ne te prend pas un bac en économie pour comprendre qu’un système de croissance infinie, basé sur l’exploitation des peuples et de ressources épuisables, c’est immoral et illogique.

Ça ne te prend pas un bac en psychologie pour comprendre que le système est insoutenable et que toute la population en écope par une montée fulgurante de dépression, d’anxiété, de burn-out.

Et ça ne te prend rien du tout pour comprendre que le statu quo est là pour de bon tant qu’on ne dérangera pas plus fort. Parce que les manifestations sont passées, puis sont tombées dans l’oubli. Il est fait fort, ce statu quo financé par les compagnies pétrolières, ce capitalisme qui aliène la mobilisation.


Mais tu sais quoi ? Ça prend seulement 3,5 % d’une population mobilisée et active pour avoir gain de cause.


J’oublie donc cette convention sociale qui définit la valeur humaine selon des standards productivistes et carriéristes et je quitte pour les rues, pour les ponts et pour les pipelines. Je quitte pour mieux m’indigner, pour militer plus ardemment, parce que le monde de demain aurait dû être construit hier.


Ah mais, pour être militant.e, faut bien composter et recycler…

Fuck that.


N’oublie surtout pas de t’indigner et d’agir.