Le temps

(limité) de militer.

Gardénia Daye



Je m’appelle Gardénia, pronom elle, accords féminins. 


J’ai quitté ma ville afin de rester à Tiohtià:ke («Montréal») quelque temps, me préparer et participer aux actions en réponse à l’écocide en cours. Je vis dans l’incertitude depuis des jours, je suis partie sans savoir comment j’allais manger, dormir, je n’ai plus d’argent et plus d’emploi. C’est cette incertitude qui a poussé mon questionnement à savoir comment j’allais survivre aux prochaines semaines et à ma fin de session. J’en suis venue à réaliser que mon questionnement est davantage à savoir comment nous allons survivre aux prochaines années si rien ne change en mieux.


Je suis sur l’exécutif de mon association étudiante, je suis impliquée dans divers comités de mon cégep (Comité Mobilisation, Comité Écolo, Comité d’Amitié et de Soutien aux Animaux, entre autres), je suis co-chargée de projet pour un magazine sur les luttes étudiantes, Raz-de-marée, je suis nouvellement co-responsable de la préparation du lancement et de la réalisation francophone d’un projet pour un mouvement populaire de travailleur·euse·s pour en finir avec l’inaction climatique et lancer un grand chantier pour prendre soin des gens et de la planète (le nom du projet est toujours l’objet de discussions). Et je trouve que je n’en fais pas assez. J’ai couru à travers le campus de mon cégep, souvent seule avec mon mégaphone, afin de tenter de mobiliser les gens à voter pour la grève. J’ai réalisé des visuels, fais de l’affichage massif illégal sur le campus, fais de l’occupation des bureaux de la direction et de l’administration, réalisé et tenu avec mes collègues de l’exécutif des présentations lors de plénières qu’on a organisées afin d’informer la communauté sur les enjeux qui expliquent la pertinence de partir en grève contre la COP15. Et notre mandat de grève a été battu durant notre processus référendaire avec près de 25 % de nos membres qui ont voté, et plus de 80 % d’entre elleux qui a voté contre.


C’est là, quelques heures après les résultats (dévastateurs) du vote, que j’ai décidé d’arrêter de me concentrer à savoir si les personnes de mon entourage immédiat vont me suivre en grève illégale malgré le vote, et que je suis venue seule en me disant que j’allais certainement trouver du confort dans le fait d’être au premier rang.


Je venais de me réveiller, après mes premières nuits à couch-surfer d’un bout à l’autre de l’île, chez une de mes amies, qui comme moi est une radicale écoanxieuse, féministe et militante fatiguée, quand je suis tombée sur l’article. En le lisant, j’ai immédiatement été soulagée de savoir que malgré toute cette incertitude, j’ai fait le bon choix.


Mon implication m’a fatiguée. Ma fatigue m’a menée jusqu’ici. Et maintenant que je sais qu’on est tou·s·tes là, ensemble, j’ai plus d’énergie que jamais.


Merci.